- I Can't Breath - Libre -

Bibliothécaire - Allez les jeunes, la bibliothèque ferme ! Tout le monde dehors.

Plusieurs grognements, heureusement couverts par le bruit des affaires qu'on range dans les sacs, des livres qu'on ferme et des chaises qu'on remet en place. Un brouhaha monstrueux qui était comme un anachronisme dans ce lieu. Un peu comme un concert de métal dans une église en fait. Mais pour les circonstances, il était toléré. Ce vacarme ne suffit pourtant pas à réveiller un jeune homme, là, pratiquement étalé sur la table, le visage qui s'imprimait presque sur une page ouverte sur George Washington d'un livre d'histoire. La bibliothécaire se dirigea vers l'endormi, faisant claquer ses talons aiguille au sol. Même ça ne mit même pas la puce à l'oreille de Jared, qui était en ce moment même en plein dans un rêve édulcoré, avec un 14 décembre 1799 festif pour célébrer la mort du président. Partout on brandissait dans banderoles marquées "LA CHASSE AUX SORCIERES A COMMENCE" ou "PLUS D'HERMES ET MOINS DE COCO CHANEL" ou bien "FEMINISTES AU POUVOIR" et des sangliers à corps de daim grimpaient aux lampadaires pour saluer la voiture de Kid Rock qui traversait la route principale menant au palais de Justice. Jared se retrouvait au milieu de tout ça, torse nu et ayant tatoué en rouge sur le torse les lettres "Homo" à la manière de Stefan Olsdal dans les concerts de Placebo. Il tenait dans sa main gauche un cigare allumé, et dans sa main droite une place pour le prochain match de baseball, qu'il cherchait par ailleurs à tout prix à refiler à ses voisins protestants. Soudain, une strip-teaseuse afro américaine posa brutalement sa main sur son épaule, l'incitant à se retourner, là, elle lui roula un patin magistral. Au plus elle jouait avec sa langue, au plus elle l'étouffait et incrustait ses ongles dans la chair de son cou. Au bord de l'agonie, sentant son sang couler dans son dos, Jared se réveilla dans un sursaut qui lui aurait peut-être valu le record du saut en hauteur aux JO. Celui-ci lui fit d'ailleurs perdre l'équilibre sur sa chaise qui tomba à la renverse, l'entrainant au sol, sous les yeux d'une bibliothécaire visiblement épuisée.

Bibliothécaire - Spencer, la prochaine fois que tu mets les pieds ici, fais semblant de travailler au lieu de dormir. Tes problèmes d'insomnie ne me concernent pas, tu as milles endroits pour te reposer, alors ne le fais pas chez moi !

Le jeune homme, encore déboussolé par ce qui venait de lui arriver, n'eut qu'un seul réflexe: s'essuyer la bouche. Comme si le baiser de l'afro américaine avait vraiment eu lieu. Il vérifia par la suite que son cou était encore intact, et regarda par le col de son teeshirt si les lettres HOMO s'étaient effacées. La bibliothécaire haussa un sourcil, leva les yeux au ciel et, déconcertée, ferma le livre sur George Washington et se dirigea vers le rayon approprié pour le ranger. Jared se releva et rangea sa chaise sous la table, clignant plusieurs fois des yeux et se passant régulièrement la main dans les cheveux, toujours un peu affolé, la respiration saccadée et la bouche pâteuse. Il prononça un faible "désolé" suivit d'un "au revoir" à l'attention de l'employée qui n'avait même plus conscience qu'il existait, et se dirigea vers la sortie. Plus jamais il ne mangerait de fondue le soir avant de réviser son devoir d'histoire après 21h !

Le sac sur l'épaule, Spencer pénétra dans le couloir le plus sombre qu'il n'ait jamais vu. Hmmm, quelle ambiance joviale ! Digne des plus grands films d'horreur. Hésitant un instant devant la porte de la salle qu'il venait de quitter, il respira un grand coup et s'engagea dans une direction totalement prise au hasard. A cette heure ci, tous les couloirs se ressemblaient, impossible de retrouver son chemin avant d'être sortit du bâtiment. Alors autant partir à la recherche de la sortie. Et c'est là qu'on entend des voix bizarres normalement... pensa t-il, ironiquement. C'était pas de bon goût de plaisanter sur ça dans ces situations, mais c'est comme si inévitablement il fallait qu'il se fasse peur lui-même. Une respiration affolée se fit soudain entendre. Ou un souffle très... très peu rassurant... aussi... compléta Jared, avalant difficilement sa salive. Il n'y croyait pas, fallait qu'il le demande pour que ça arrive. La respiration venait du fond du couloir, vers la droite. Les pas de Jared s'interrompirent un instant, le temps qu'il se demande ce qu'il fallait faire. Mais non, ça doit être une femme de ménage voilà tout... Qui... Qui respirerait très bruyamment, ouais, ça peut arriver, elle a peut-être un rhume... et sur ces mots qui se voulaient rassurants, il poursuivit son chemin, tentant au maximum d'occuper son esprit à autre chose qu'à des visions d'épouvante.

- Y a quelqu’un ?

OK. Là c'est pas pareil. Jared laissa tomber son sac au sol, choqué. Allons, un mort vivant ça demande pas à sa victime si elle est bien là quand même ! non c'est sûr, ça pouvait être qu'une personne en chair et en os, sans dessein machiavélique en tête. Laissant ses affaires en plan sur le sol, il s'avança un peu plus vers le peu de lumière présente au fond du couloir. Il discerna alors une silhouette, par terre. En y réfléchissant, cette voix unique en son genre n'appartenait qu'à une seule personne... Mais qui? Il avait beau se torturer la cervelle, sa tension lui empêchait de mettre un visage sur la voix. Et il découvrit enfin... Dorian Cunt? Jared n'attendit pas plus longtemps et s'agenouilla aux côtés de l'élève, lui posant une main contre le dos pour l'aider à se redresser.

- Qu'est-ce qui t'arrives?! bredouilla t-il, d'une voix visiblement affolée.