- Put Your Dead Mask On ! - (Amber)

Amber Gordon avait passé la journée à suivre les cours, comme toujours. A les suivre avec attention même. C'était une habitude qu'on lui avait donné dès son plus jeune âge. Alors on avait beau la regarder de travers, elle continuait d'écouter les profs et de prendre les notes ... même si sa plus grande envie était de courir jouer du piano, ou de retourner se coucher, s'enfermer, se cloitrer loin de toute cette animation et de ces rires soulants des autres étudiants. Mais ses notes, elle les prenait. Il fallait qu'elle montre à nouveau à ses parents de quoi elle était capable. Qu'elle n'était pas définie que par les mots dépression, anorexie, tristesse ou déception. Au moins pour les cours, elle pouvait le faire, non ? Ainsi elle avait remonté la pente dès le début de l'année. Elle n'avait pas fait toute son année de première, mais avait réussi à rentrer dans cet établissement pour commencer sa terminale. Ses parents avaient réussi à convaincre les profs qu'elle avait le niveau. Il suffisait de ressortir toutes ses notes, exceptées celles de première, bien sur, et d'expliquer son cas ... Un cas desespéré ? Surement oui. Car peu de genre l'avaient déja vu faire un sourire radieux et sincère. On arrivait à lui arracher quelques sourires, mais sans plus. Elle ne riait pas toute la journée comme toutes ces poufs du lycée qui ne savaient rien de la vie, ou juste ce qui les arrangeaient. Elle était sombre, pouvait paraitre froide ou distante. Et heureusement, elle se sentait parfois moins seule, comme accompagnée dans ses ténèbres...

Après les cours, la jeune fille était allée directement dans la salle de musique, attendant de pouvoir jouer du piano, seule. Elle y était parvenue. Les notes s'étaient enchainées, elle avait travaillé des gammes, puis des morceaux classiques, puis quelques unes de ses rares compositions, pour la perfectionner. Elle avait modifié ou ajouté quelques accord, avait rajouté quelques nuances, améliorer la mélodie et le contrechant ... Voilà ce qu'elle aimait dans la musique. Qu'elle puisse modifier les notes selon son humeur. Car la musique était pour elle un moyen de s'exprimer. Avec la musique, on ne mentait pas. Et ça, Amber l'avait bien compris. Elle avait donc fini son après-midi à travailler son piano. Enfin, travailler. Pour elle, c'était bien plus qu'un simple travail. C'était l'achèvement de toutes ces années d'enfermement, de dépression, et de tristesse. Elle s'était libérée par la musique, et maintenant, elle voulait continuer, aller encore plus loin, travailler, encore et toujours. Etre la meilleure. Et pas seulement au piano. Il fallait encore qu'elle travaille la guitare, et le violon. Elle avait envie d'être une musicienne, une vraie. Plus seulement une amatrice. Etre reconnue. Faire passer des émotions dans ses compos. Et faire plus de compos, d'ailleurs. Parce qu'elles étaient encore trop rares, et pour cause, Amber n'en était jamais satisfaite. En fin d'après-midi, donc, Amber avait quitté la salle de musique, et avait traversé la parking, plongée dans ses pensées, comme d'habitude.

Ainsi, elle avait ouvert sa vieille voiture et avait fait tourné la clé pour la faire démarrer, montant le son de la radio au maximum. Les pubs. Elle les baissa. Entendre des chaudasses décrire tel ou tel yaourt, c'était pas vraiment le trip d'Amber. Ce qu'elle aimait, c'était la musique. La consommation, tout ça, ça la dépassait. Elle avait déja assez de problèmes comme ça, désirait déja tellement de choses auxquelles elle n'avais jamais eu le droit - comme le bonheur et la confiance eternels -, elle ne se sentait pas obligée d'en rajouter une couche . Lorsqu'elle arriva chez elle, la jeune fille embrassa ses parents. Cela pouvait paraitre enfantin, mais Amber savait qu'elle leur devant beaucoup. La vie, par exemple. Déja parce que sans eux elle ne serait pas née. Mais aussi parce qu'il l'avait aidée à se relever après son énorme chute, à Londres. Et pourtant, elle n'y avait pas mis du sien.

- Alors, tes cours ? demanda aussitôt sa mère, le sourire aux lèvres, ravie, voir rassurée, de voir sa fille, comme toujours.
- Ca va.
- Pourquoi tu rentres si tard ?
- J'ai été à la salle de musique ...
- ... Et ? demanda son père, interessé.
- Et j'ai travaillé une compo, c'est trop dur. Y'a encore des passages à modifier, et la mélodie est pas encore parfaite. Sans compter les nuan...
- Ecoute, on sait que la musique compte beaucoup pour toi, mais tu devrais peut-être ...
- Oui, vous inquiétez pas.

Et comme d'habitude, elle évita la conversation. Ses parents avaient été heureux qu'elle sorte peu à peu de son état comateux et dépressif, qu'elle retrouve gout à quelque chose. Mais apparamment, ils n'avaient pas prévu que ça dure autant. Ils avaient toujours su que la musique tenait une place très importante dans la vie d'Amber, mais depuis sa dépression, ça s'était empiré. Et ils n'avaient pas prévu le coup. Maintenant, elle ne pensait plus qu'à ça, et souvent, le sujet revenait dans les conversations. Mais si ses parents lui enlevaient la musique, que lui resterait-il ?

Lorsqu'elle monta dans sa chambre, elle alluma son vieux piano electrique. Puis fouilla dans son sac. Il lui manquait une partition. Et pas n'importe laquelle.

Amber descendit les escaliers en trombe.

-Qu'est-ce ...?
-J'ai oublié ma compo dans la salle de musique!! fit-elle, totalement paniquée, avant de filer comme une flèche dans sa voiture pour retourner au lycée. Elle se gara d'une façon tout sauf discrète, avant de courir vers la salle. Heureusement, elle était ouverte. Elle trouva sa partition là où elle l'avait laissée. Sur le pupitre du piano. Elle eut un soupir de soulagement, et regarda furtivement autour d'elle, au cas où. Puis elle fila sur le parking. Elle ouvrit la portière, y laissa tomber sa partition, puis s'assit devant le volant, retrouvant doucement on calme. Elle sentit les larmes lui monter aux yeux. Elle devait paraitre tellement idiote aux yeux des autres! A s'inquiéter juste pour un bout de feuille avec quelques lignes de musique! Si seulement les gens pouvaient comprendre ce qu'elle vivait ... Ses parents l'avaient crue sortie de sa dépression, mais au fond, c'était faux et ils commençaient seulement à s'en apercevoir. Elle s'enfermait dans son propre monde, celui qu'elle s'inventait au quotidien... Elle commençait à se faire peur à elle-même... Finalement, elle s'effondra sur le volant, pleurant toutes les larmes de son corps. Elle ne pleurait pas souvent, pourtant. Elle paraissait toujours glaciale. Mais là, tout voulait sortir. Et putain, ça lui faisait du bien. Puis, sans réfléchir, elle ouvrit la portière, prit son sac, essuya vite fait les yeux d'un geste de la main, claqua la portière derrière elle avant de fermer sa voiture à clé et fonça vers l'autre bout du campus. Pourquoi là, exactement ? Elle n'en savait rien. Elle ne voulait juste pas rentrer, ni trainer en ville. Lorsqu'elle arriva à l'autre bout, elle se retrouva près de la rampe de skate. Elle ne venait pas souvent là, et ne connaissait guère les gens qui y venaient régulièrement. Elle entreprit de faire demi-tour lorsqu'elle aperçut Curtis. Aussitôt, elle fut comme rassurée... Mais que faire ... Aller lui parler, ou non? Alle resta donc immobile, là, à regarder les gens autour d'elle ...

Amber regardait autour d'elle comme un petit animal vulnérable et perdu. En fait, comme souvent, c'était bien ce qu'elle était. Comme invisible, comme si chaque instant qu'elle vivait était d'une inutilité déconcertante. Bien sur, elle arrivait à se raccrocher à la vie et ne cherchait pas par tous les moyens de mettre fin à ses jours, mais elle n'était du genre fêtarde et joyeuse de vivre, et ça se voyait. Enfin, disons surtout que l'on remarquait qu'elle était étrange et pas forcément sociable. Voilà surement un des plus grands points communs qu'elle s'était trouvé avec son ami Curtis, hormis la musique bien sur, puisque la musique était l'élément qui les avait fait devenir amis. Et plus Amber y repensait, plus elle était reconnaissante à Curtis d'être à ses côtés. Bien sur, leur relation n'était ps des plus simples et pas qualifiable de saine. Ils se tiraient tous les deux vers le bas, dans ce sens, aucun doute. Et puis, autant ils étaient proches en dehors des cours, autant au lycée, c'était autre chose. Mais Amber l'avait accepté, parce qu'elle avait appris à connaitre le jeune homme et sa timidité. Et ça ne l'empêchait pas d'apprécier tous les moments qu'elle passait avec Curtis. Parce qu'elle se sentait moins seule au monde, surement. Moins seule enfermée dans son monde de musique, moins seule à trouver la vie bien moche...

Voilà pourquoi, rien que revoir Curtis un peu plus loin lui remonta légèrement le moral. Bien sur, tous les deux, ils n'allaient pas rire comme des imbéciles pour des conneries, ils n'allaient pas s'amuser comme tous les atres jeunes de leur âge. Ils allaient plutot déprimer, parler de choses dont ils se sentaient plus proches que les relations amoureuses ou que les marques de fringues, par exemple. Mais putain, ça faisait du bien, ce genre de conversations. Juste pour la plaisir de partager. Amber le vit lui faire signe, et aussitôt rassurée - elle ne connaissait que lui dans ce tas de jeunes....- elle se dirigea vers lui pour s'assoir à ses côtés. Le silence fut d'abord de mise, mais elle ne fut pas surprise. Les relations sociales et eux, ça faisait quand-même deux... Puis il annonça la couleur. "C’est ma cruche de sœur qui m’a traîné ici…Je serais bien mieux chez moi avec ma basse et ma console…". Ah, elle le retrouvait bien là, le Curtis qu'elle connaissait. Un faible sourire illumina son visage. Et elle répondit simplement : " Et moi c'est ma cruche de partoche qui s'est laissée oubliée qui m'a obligée à revenir ici ..." Puis elle ajouta, en entendant la suite de ses paroles : "Non, non, merci à toi d'être au moins aussi desespérant que moi...", avec un sourire plus franc que le précédent. Au moins, ils se comprenaient. Voir les autres rigoler comme des imbéciles pour des conneries, c'était pas leur tasse de thé.

Elle prit l'écouteur qu'il lui tendait, sentant que son coeur se réchauffait peu à peu. Qu'il était bon de voir un visage chaleureux - à sa façon, mais surement un des plus chaleureux qu'elle connaissait ici-, et q'il était bon de partager à nouveau leur plus grande passion commune qu'était la musique. Surtout qu'elle était fan de son groupe, à présent! Ils en avaient tellement parlé, sur le net, de leurs compos, de leurs trouvailles, de leurs gouts, même d'images de certains groupes ... Et la musique de Curtis était comme un livre ouvert sur sa vie, sa tristesse, voir sa colère et sa haine envers certaines personnes. Et Amber se reconnaissait bien là-dedans. Décidemment, la musique, un réel moyen d'expression, et pas que pour Amber! Elle se mit donc à écouter attentivement la musique, pour se plonger dans le monde qu'elle lui offrait. Prête à dire ce qu'elle en pensait, à partager encore de la musique avec Curtis.

Puis elle le vit sortir la bouteille de vodka. " Toi et moi on fini six pieds sous terre ce soir"

" Et moi, j'finis pas avec vous?"fit-elle d'un air blasé que Curtis ne devait que trop connaitre. Ce faux air qui lui donnait l'air de lui en vouloir, alors que c'était tout le contraire.

Puis elle le vit souffler après avoir avalé plusieurs gorgées.

"Et, c'était pas ce soir que tu devais crever toi, me lâche pas maintenant steuplais!"

Amber s'était bien calmée, la crise de larmes était bel et bien finie. Il fallait dire que retrouver plus ou moins par hasard ce visage familier lavait aidée. Et puis marcher, aussi, avancer sans but, sans se préoccuper de ce qui l'entourait : les gens, le soir, le vent, les feuilles qui s'échappaient des arbres et voletaient autour d'elle ...Oui, tout cela lui avait toujours fait du bien. La jeune fille se souvenait très bien que lorsqu'elle se sentait mal, en arrivant à Phoenix, elle allait toujours se balader. En ville, dans son quartier, n'impote où qui la sorte de sa morosité et de son trou. Alors que quelques temps auparavant, à Londres, elle aurait tout fait pour rester close dans sa chambre, juste pour de la musique. En écrire, en écouter, en jouer. La musique ... Rien que dans ce mot résidait la rennaissance de a jeune fille. Elle lui devait tellement ... mais en même temps, à présent, elle s'en trouvait prisonnière ... Heureuse prisonnière, mais prisionnière. Une sorte de syndrome de Stokholm, au final ...

Elle entendit la réponse de Curtis et esquissa un nouveau sourire. Il avait toujours une façon morbide de voir les choses, mais elle ne le comprenait que trop bien. Ils partageaient ça, en plus de la musique.

"Bon, ben marché conclu, alors, merci de votre solidarité en tout cas"fit-elle sur le même ton neutre que lui. Tous les deux étaient spécialistes pour éviter trop de sentiments dans le ton d'une phrase ... Puis elle vit son ami ranger vite-fait la bouteille derrière son dos, et remarqua que la soeur de Curtis, Lana, était en train de guetter. Ah, Lana. Ce n'était pas qu'Amber ne l'aimait pas, mais il y avait comme de l'incompréhension entre eux. En même temps, Lana voulait toujours redonner le gout de vivre à Curtis, elle devait quelque part en vouloir à Amber de le "rabaisser" ... Elle lui fit à son tour un signe de main, consciente qu'elle n'allait pas devenir d'un coup la meilleure amie de Lana, mais accepta l'effort. Après tout, Lana devait être une chic fille pour aider son frère comme ça ... Dommage qu'Amber passe par là ...

"T'inquiètes, jcrois que t'as chopé la technique, même si c'est à perfectionner hein ..."

Elle prit discrètement la bouteille avec un hochement de tête pour acquiécer, montrant qu'elle avait bien compris, et guettant du coin de l'oeil la blonde de skateuse, avant d'ingurgiter vite-fait autant de gorgées du liquide alcoolisé que possible, et de la cacher tout en finesse serrée contre elle. Après une grimace, elle finit par réfléchir aux mots qu'elle pouvait mettre sur la compo du jeune homme. Puis ce fut la fin de la chanson. Et il lui demanda une intro au piano ... Et là, un rare sourire illumina le visage de la jeune file. Oh, rien de bien excpetionnel, mais dès qu'on entamait sur le domaine de la musique, ce sourire revenait souvent, surtout qu'une réelle fusion artistique semblait souvent regner entre Curtis et elle!

"Oh, ouais, ce serai trop cool si je pouvais! Ca me f'rait trop plaisir! Jte ferai écouter des compos à moi un jour, mais bon, j'enregistre toujours pas ... toujours le même problème" fit-elle avec une grimace. Elle n'aimait tellement pas se montrer en train de jouer devant des inconnus - autant elle le faisait avec ses parents ou Curtis, voir certaines autres personnes, autant un concert, elle aurait du mal à assumer- qu'elle n'osait pas enregistrer ses compos, de peur qu'elles ne tombent entre de mauvaises mains. Et puis, il fallait avouer qu'elle avait pas un matos d'une grande qualité, aussi!

"En tout cas, dis-moi le genre de truc que tu veux et je planche là-dessus" Un projet, enfin. Ca faisait plaisir à la belle, aucun doute. Puis elle se remit à réfléchir à ce qu'elle pourrait dire sur sa chanson. Comme d'habitude, elle avait l'impression de s'y reconnaitre. Et ça, c'était la meilleure des musiques, pour elle. " Ben écute, je crois que le jour où une de tes compos me décevra n'est pas prêt d'arriver ..." fit-elle simplement. A quoi bon faire un commentaire philosophico-artistico-dépressif ? Une compo dans laquelle se reconnaissait Amber, c'était la meilleure qui existe, et c'était ça la qualité pour elle, c'était ce qu'elle aimait dans le style de Curtis. On pourrait lui donner cette chanson, sans rien dire sur le compositeur, elle saurait que c'était lui qui l'avait écrite. Et ça c'était la meilleure preuve de qualité. "J'adore juste". Juste voulait dire qu'il n'y avait rien à ajouter. Si seulement elle trouvait d'autres mots, quelque chose d'autre à dire, même une petite critique... mais ça ne vint pas. Parce qu'entendre une nouvelle compo de sa part faisait du bien à ses oreilles et trouver du négatif dès la première écoute, c'était quand-même vachement dur.

La jeune fille sentit Curtis le fixer du regard, et elle le regarda à son tour, mais il avait baissé ses yeux avant de les relever pour demander la bouteille. Elle fit mine de lui tendre, puis la regardant d'un air insistant, l'ouvrit et prit quelques gorgées avant de la lui retendre.

"Le sergent Amber avait aussi besoin de sa dose ..."expliqua-t-elle avec un petit sourire en coin. Decidemment, elle avait bien soif ce soir là. Enfin, disons plutot qu'elle voulait un peu oublier cette journée. Cette vie, plutot. Rire, tout le temps, toute la soirée, faire des conneries comme une gamine ... N'importe quoi qui changerait de son monotone quotidien ...